Texte publié dans l'article : Hoff, M., 2005. L’herbier d’un étudiant en pharmacie des années 1920 : l’herbier Guido Heimann de Saverne (Bas-Rhin). Revue d’Histoire de la Pharmacie 53, n° 347 : 458-465.
G. Heimann, étudiant en pharmacie à Strasbourg en 1924, a confectionné un petit herbier de 127 plantes collectées surtout autour de Saverne. Chaque part est accompagnée d’une étiquette précisant la date, le lieu et le milieu de la collecte. L’analyse de ces espèces donne une image de la flore spontanée ou cultivée des environs de Saverne à cette époque, ainsi que de l’enseignement de la botanique. G. Heimann a récolté ses spécimens essentiellement dans les prés, les champs, les forêts et les rochers situés à proximité du lieu d’habitation de ses parents. Quelques rares autres plantes ont été collectées plus loin, probablement lors d’excursions dominicales. Si la plupart des familles de plantes herbacées sont représentées, les arbres et arbustes ainsi que les graminées et les fougères n’ont pas été récoltés, probablement du fait de leur peu d’intérêt comme plantes médicinales. G. Heimann a récoltés des plantes sauvages banales à son époque, mais dont plusieurs ont maintenant disparues ou sont très rares, ainsi que des plantes alimentaires et médicinales. Les informations ainsi rassemblées vont servir à compléter l’atlas de répartition des plantes d’Alsace et les spécimens vont être intégrés à l’Herbier d’Alsace. Tout herbier, même modeste, apporte des connaissances précieuses sur la flore régionale.
G. Heimann, a pharmacy student in Strasbourg in 1924, amassed a small herbarium of 127 plants gathered mostly around Saverne, in eastern France. Each specimen is precisely labelled, with its date, place and habitat. Analysis of the species gives a period snapshot of the an idea of how botany was taught at the time. Heimann gathered his specimens mainly in fields, meadows, forests and the rocks near where his parents lived. Other plants, some of them rare, were gathered farther afield, probably during weekend outings. While most of the herbaceous plant families are represented, no trees , shrubs, grasses or ferns were gathered, probably as they were of limited medical interest. Heimann collected wild plants that were common in the period, but which included several that have since disappeared, as well as a number of medical and food plants. The information gleaned from his herbarium is being used as part of the atlas showing the distribution of plants in Alsace, while the specimens are being incorporated in the Alsace Herbarium. Any herbarium, however small, can make a precious contribution to knowledge of the regional flora.
Herbier, Pharmacien, Alsace, France.
Herbarium, chemist, Alsace, France.
L'Herbier de l’Université Louis Pasteur (STR) a reçu en avril 2004, de Mme Elsa Manet, une collection de 127 spécimens de plantes séchées, réalisée dans les années 1920 par le père de Mme Manet, M. Guido Heimann, pharmacien. Cet herbier a été constitué lors de ses études de pharmacie à Strasbourg. M. G. Heimann (22 juillet 1905 - juillet 1971) était docteur en Pharmacie de l'Université de Strasbourg (1933). Sa thèse de pharmacie, des photos et certains de ses manuscrits ont été déposés également à l’Herbier de Strasbourg. Guido Heimann a par la suite été pharmacien à Saverne, Marmoutier, Strasbourg (Bas-Rhin) et Rixheim (Haut-Rhin). Il a publié en 1936, avec le botaniste savernois Emile Walter la redécouverte à Niederbronn-les-Bains de la berce du Caucase (Heracleum mantegazzianum). Celle-ci avait été cultivée comme plante ornementale à Niederbronn dans les années 1886, puis avait disparue.
L’Herbier G. Heimann a été informatisé dans la base de données de l’Herbier de Strasbourg et sera intercalé dans l’herbier général d’Alsace afin d’être disponible pour les recherches en botanique. L’Herbier de Strasbourg rassemble environ 400 000 spécimens de plantes du monde entier, dont environ 80 000 d’Alsace et des environs. Plusieurs inventaires ont été publiés (Kapp, 1959 ; Hoff et Gradstein, 1991).
L’herbier est contenu dans un dossier cartonné (31 x 41) et rassemble 127 plantes classées par famille. Chaque spécimen est collé dans une chemise de papier 21 x 33 et comprend une étiquette. Les spécimens sont de bonne qualité et tout à fait reconnaissables.
Sur les étiquettes sont indiqués :
Les récoltes ont été effectuées dans le Bas-Rhin, essentiellement à Saverne et dans ses environs très proches. A Saverne même : au Château d’eau, au Rehwiesen, le long de la Zorn, du Canal de la Marne au Rhin et de la voie ferrée ; vers les montagnes et le Col de Saverne au Saut du Prince Charles, dans les vallées de la Ramsthal et de la Schlette, au Koepfel, aux châteaux ruinés du Griffon, du Haut-Barr et du Geroldseck, au Judenbergthal et au Baerenbachtal, et vers la plaine d’Alsace à la Faisanderie et au Kreuzfeld. Les communes voisines ont également été visitées : Gottenhouse, Ottersthal, Saint-Jean-Saverne, Monswiller, Haegen, Marmoutier, Reinhardsmunster, Steinbourg et Waldolwisheim. Plus loin, Guido Heimann a collecté quelques plantes au Bastberg près de Bouxwiller en mai 1924, ainsi que dans la région de Phalsbourg – Danne-et-Quatre-Vents. Les collectes les plus éloignées viennent de Drulingen, du Pays de Bitche, avec quelques collectes à Mutzig, à Barr et Andlau en mai 1924 et au Ballon d’Alsace (Haut-Rhin) en août 1924.
Les forêts sur substrat gréseux (34 espèces), les rochers de grès (11 espèces) et les pelouses et prairies des coteaux calcaires (43 espèces) sont les principaux milieux visités, ainsi que les champs cultivés (19 espèces), les prés et les haies. Les zones humides sont moins fréquentées (7 espèces). On note quelques plantes de jardin, espèces cultivées ou mauvaises herbes (16 espèces).
L’herbier rassemble les espèces parmi les fréquentes d’Alsace. Les principales plantes des jardins, des champs, des prés et des bords de sentiers forestiers des environs de Saverne sont présentes. Au total 43 familles sont représentées, soit environ le ¼ des familles de la Flore d’Alsace (Issler et al., 1982). Les Renonculaceae et les Lamiaceae (12 spécimens), les Asteraceae (11 sp.), les Brassicaceae, les Orchidaceae et les Primulaceae (6 sp.) sont les familles les mieux représentées. L’herbier n’avait certainement pas vocation à être exhaustif. On peut cependant noter l’absence d’arbre ou d’arbuste (à part le troène) ainsi que des Poaceae, des Cyperaceae ou des fougères. Il est probable que les ligneux (environ une trentaine d’espèces en Alsace) étaient bien connus de G. Heimann, tandis que les graminées et les fougères présentent peu d’intérêt médicinal.
L’herbier Heimann possède cependant quelques espèces intéressantes ou remarquables. Neuf espèces appartiennent à la liste rouge de la flore menacée d’Alsace et Adonis aestivalis est protégée depuis 1993. On trouve plusieurs orchidées : Cephalanthera longifolia, Listera ovata, Orchis anthropophora, ainsi que les trois principaux Ophrys : Ophrys apifera, Ophrys fuciflora et Ophrys muscifera ; des messicoles dont certaines sont en voie de disparition en Alsace : Adonis aestivalis, Consolida regalis, Ranunculus arvensis, Sherardia arvensis ; quelques espèces cultivées dans des jardins comme plantes alimentaires ou médicinales : l’absinthe (Artemisia absinthium), le souci (Calendula officinalis), le chénopode bon-henri (Chenopodium bonus-henricus), la livèche appelée localement maggi ou maggikraut (Levisticum officinale), le ricin (Ricinus communis) et la rue fétide (Ruta graveolens). Relevons aussi quelques plantes plus rares, comme celles du Ballon d’Alsace : Pulsatilla alpinum et Aquilegia vulgaris ou Pyrola minor dans la Baerenbachtal et Thesium humifusum à Andlau.
L’Herbier Guido Heimann, comme de nombreux herbiers d’instituteurs ou d’étudiants en médecine ou en pharmacie (Hoff, 2001) sont des collections précieuses. Ces herbiers sont des témoins des paysages végétaux anciens car ce sont souvent les plantes les plus fréquentes qui ont souvent été recueillies. Ainsi ces herbiers révèlent des scènes disparues, comme des champs de blés autour de Saverne à Adonis aestivalis, Consolida regalis et Ranunculus arvensis, trois espèces messicoles ayant très fortement régressées en Alsace depuis une trentaine d’année. La composition de l’herbier montre aussi que ce sont les familles des plantes médicinales qui sont surtout récoltées. A côté des herbiers historiques majeurs comme par exemple l’herbier Villars (Poncet, 1999), l’herbier Contejean (Contejean, 1895) ou l’herbier Mougeot (Hoff et al., 1995), ces petites collections permettent d’apporter des stations parfois nouvelles surtout pour des plantes relativement banales mais qui sont souvent négligées par les botanistes professionels. Elles complètent ainsi l’Herbier d’Alsace et sont mises à la disposition des chercheurs en botanique pour des travaux de taxonomie ou de phytogéographie. Les localisations vont également servir à compléter l’atlas de répartition des plantes d’Alsace. Tout herbier, même modeste, apporte des connaissances.
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