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Etiquettes et autographes des collections de Strasbourg

Les étiquettes et les autographes des collections de l'Herbier de l'Université de Strasbourg (STR)

Françoise Deluzarche

 

L’Herbier de l’Université de Strasbourg a déjà répertorié des milliers de ses collecteurs. Leurs noms, ce qu’ils ont récolté, ainsi que leurs dates et lieux de récolte sont accessibles sur la base de données de l’Herbier.

De plus, une photo a été prise de certaines étiquettes qui accompagnent chaque échantillon. La taille, la présentation, l’écriture manuscrite ou non, sont des sources de renseignements difficilement quantifiables. Une image en dit plus sur le collecteur que les données rassemblées dans la base.

Le choix a été pris de ne prendre que les photos « représentatives » du collecteur. Un échantillon manuscrit, un lieu ou une date inhabituels, une collection de distribution particulière, une étiquette dont le taxon porte le nom du collecteur ou dont ce dernier est l’auteur du taxon, sont des critères utilisés pour retenir la photo.

Ainsi, plusieurs photos « représentent » le même collecteur. Un botaniste qui récolte toujours au même endroit et à la même date (Spach à Paris dans les années 1830) n’a que peu de photos même si sa récolte est abondante. Chaque photo est censée apporter une information originale.

L’étiquette et sa présentation

Les écritures et leur environnement

Fin XVIIIe et au début du XIXe siècle, les écritures sont manuscrites. Il n’y a pas de fioritures, que les éléments essentiels (Vosges, 1830) Certaines écritures sont anguleuses (Solms-Laubach, E. Walter), d’autres appliquées (H. Coste, R. Engel) ou fines et rapides (A. de Bary), presque illisibles (Nees von Esenbeck, Reichenbach). Parfois, leur simple vue permet d’identifier le collecteur (J.B. Mougeot).

Au XIXe siècle, certains collecteurs commencent à se faire imprimer une partie de leurs étiquettes, un cadre qu’il ne leur reste plus qu’à remplir (H. Petry). D’autres moins fortunés, utilisent des tampons (Untchj). Au XIXe siècle, à de très rares exceptions près (Laestadius), seules quelques sociétés de diffusion ont des étiquettes entièrement imprimées (Jack, Leiner & Stizenberger, Kryptogamen Badens).

La recherche esthétique apparaît au XIXe siècle et culmine au début du XXe. En s’approchant du XXIe siècle, les collecteurs deviennent beaucoup plus pragmatiques. La sobriété domine. Il faut dire que le nombre d’informations augmente considérablement (lieux de collectes plus précis, milieux écologiques, altitude), indications qui n’existaient pas autrefois (Fortune, Chine).

Le besoin de posséder une belle étiquette est particulièrement fort chez certains botanistes. Cette recherche artistique correspond à une image de marque, un sceau qui restera attaché à son propriétaire et lui survivra.

Ainsi certaines étiquettes ont un cadre imposant (B. Huter, Ernst Schlumberger, J. Paillot), d’autres beaucoup plus sobres (Bonjean). Celles manuscrites n’en ont pas.

La langue utilisée

L’indication de la langue utilisée est aussi précieuse. L’histoire chaotique de l’Alsace, tiraillée entre la France et l’Allemagne, a laissé des traces dans l’herbier. Nos collecteurs s’y expriment, suivant l’époque, tantôt en français, tantôt en allemand, allemand gothique la plupart du temps, sans oublier le latin, langue scientifique d’alors. Très rarement, d’autres langues ont été notées.

Dans la base de données, seules les traductions de ces indications ont été notées. Pour les lieux de collecte, on note ce qui correspond aux données actuelles. Une collecte réalisée dans un pays peut aujourd’hui être localisée dans un autre. Ainsi, une partie du Tyrol est devenu Italie, une partie de l’Italie croate, une partie de l’Allemagne, polonaise. Tous ces changements témoignent de l’histoire de l’Europe.

En Alsace, les noms de communes et de lieux-dits ont des consonances germaniques ou françaises suivant les époques (Lützelstein s’appelle aujourd’hui La Petite-Pierre, Rippolholtz, Ribeauvillé).

Ces localisations actuelles ne sont pas toujours faciles à retrouver surtout quand en plus, l’écriture laisse à désirer ou quand le lieu est tellement connu du collecteur qu’il l’a écrit très rapidement ou en abrégé.

Le papier

Le type de papier permet de dater grossièrement l’échantillon, de savoir à quel siècle le rattacher. En effet, souvent, le siècle n’est pas indiqué et il faut le deviner. Au début du XIXe siècle, le papier est de bonne qualité, assez épais, mais cher et surtout rare, ce qui donne des étiquettes petites, avec peu de marge et souvent complètement recouvertes d’une écriture fine.

Au XXe siècle, la qualité du papier se dégrade. Acide, il se détériore et certaines étiquettes apparaissent « trouées ».

Durant la Seconde Guerre mondiale ce matériau semble également rare. Ainsi, E.Walter se servait du papier d’emballage du fromage « La Vache qui rit » comme support. Un collecteur inconnu, il n’a jamais signé, écrivait en 1943 au bas de pages de journaux.

L’historique des échantillons

Il est difficile de retracer l’histoire de la plupart des échantillons présents à l’Herbier de Strasbourg, de comprendre comment ils y sont arrivés. L’image de l’étiquette apporte parfois quelques éléments supplémentaires.

Les herbiers personnels

Certains échantillons proviennent de l’herbier personnel du collecteur. Ce dernier n’a pas toujours indiqué son nom, l’usage de sa collection lui étant personnel (les herbiers A. Hée, E. Loyson ne sont pas signés) Seule l’écriture et la présentation permettent d’identifier leur provenance.

Cependant, la plupart des « gros » collecteurs, ceux qui ont ramassé des centaines de plantes, ont des étiquettes à leur nom. Chacune porte la marque imprimée de son propriétaire, en plus de sa signature (Herbier de C. Billot, Herbier R. Engel, Herbier de E.Kapp, Herbarium E. Walter). Les plus anciennes sont manuscrites (Herbier H. de Boissieu). Au XXIe siècle, l’apport de l’ordinateur facilite grandement les choses.

Parfois un collecteur a subdivisé son herbier en plusieurs collections (E. Bourgeau, Alpes de Savoie, Plantes d’Espagne, Pl. canarienses, Pl. armeniacae, Pl. de l’île de Rhodes, etc.).

Cet herbier originel a souvent transité par d’autres collecteurs qui l’ont recueilli avant de le déposer à Strasbourg. Ces dépôts successifs n’ont pas toujours laissé de traces.

Les échanges d’échantillons

Il est intéressant de lire le nom d’un collecteur dans l’herbier d’un autre. L’image permet de savoir qui a écrit l’étiquette. Parfois, celui qui reçoit écrit l’étiquette comme il le ferait comme un de ses propres échantillons. Il l’incorpore à son propre herbier, tout en indiquant sa provenance (R. Huter a des échantillons de G.Rigo). D’autres fois, il se contente de prendre l’exsiccata avec son étiquette d’origine. Emile Mantz gardait toujours l’étiquette d’origine, quand il connaissait le botaniste, mais en écrivait une deuxième aux caractéristiques de son propre herbier.

Ces échanges traduisent les liens entre botanistes, leur proximité géographique, leur intérêt commun pour une catégorie de plantes, des explorations communes. Ils peuvent aussi découler d’une demande d’identification d’un taxon. On demande au spécialiste, c’est donc la reconnaissance d’un savoir sérieux et reconnu. Cela nous permet aujourd’hui d’identifier les spécialistes d’alors.

Les sociétés de diffusion

Certains échantillons ont transité par des collections de diffusion comme la Florae Galliae et Germaniae de C. Billot, l’Herbarium Europaeum de C. Baenitz, l’Association pyrénéenne, etc. Des dizaines d’entre elles sont répertoriées dans la base de données.

On peut compter plusieurs abonnés d’une même collection dans l’Herbier de Strasbourg, ce qui explique que des échantillons de la Florae Galliae et Germaniae de C. Billot par exemple, se retrouvent à deux ou trois exemplaires, arrivés de sources différentes.

Le collecteur envoyait ses exsiccatas à un lieu central qui se chargeait de les distribuer aux différents abonnés. La Société Vogéso-Rhénane (ajouter un lien avec le texte correspondant) par exemple, demandait à chacun de ses membres de récolter 5 échantillons par an pour les envoyer à tous les autres. Toutes ces sociétés ne fonctionnaient pas sur ce modèle. Certaines distribuaient leurs échantillons à des abonnés qui payaient pour les recevoir.

Il est intéressant de noter quels botanistes participaient à ces associations. N’en faisait partie que ceux que ces échanges intéressaient et qui étaient reconnus par leurs pairs, qui bénéficiaient d’une crédibilité scientifique. Certains d’entre eux pouvaient aussi participer à plusieurs d’entre elles (Timbal-Lagrave « travaillait » avec Flora Galliae et Germaniae exsiccata de C. Billot, Flora selecta exsiccata publié par Ch. Magnier et l’Association Pyrénéenne). Aucune de ces associations ne semblait demander l’exclusivité de leurs collecteurs.

A une époque où il n’y avait pas de photo ou très peu, une façon abordable de connaître la flore exotique ou simplement d’apprendre la botanique était l’échantillon d’herbier. Ceci explique l’intérêt d’un public cultivé important pour ces collections jusqu’au XXe siècle. A l’heure d’internet, cet intérêt « grand public » a pratiquement disparu et ces sociétés avec.

Conclusion

L’image d’une étiquette est souvent un moment d’émotion, surtout quand il s’agit de « grands » botanistes, internationalement connus ou d’un échantillon très ancien. Tenir dans ses mains, un échantillon de Commerson évoque obligatoirement son tour du monde avec Jeanne Barret.

Certains échantillons sont bien sûr plus précieux que d’autres, notamment les plantes types, celles qui accompagnent le spécimen qui a servi à décrire un taxon, ainsi que ceux qui ont une valeur patrimoniale. Cependant chaque étiquette raconte une histoire, celle de la vie de son propriétaire, de son lieu de collecte, de son époque. Elle témoigne aussi de l’image que le collecteur voulait donner et laisser derrière lui.

Penser au travail qu’il a fallu accomplir pour ramasser la plante, l’identifier, la sécher, écrire son étiquette, conserver l’échantillon des dizaines d’années, c’est reconnaître la passion qui animait ces botanistes. De cette passion, il reste l’échantillon d’herbier et son étiquette.

Liste de 5 255 étiquettes et autographes des collecteurs et des collections de l'Herbier de l’Université de Strasbourg